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A COMME AMOUR

Alphabet familial


La famille reste un bien précieux, mais elle est en chute libre. Il est indéniable que l'on devient humain dans la famille, mais entre-temps les couples se séparent, l'éducation est en difficulté, les gens sont de plus en plus fragiles.

En quelques décennies, la société traditionnelle a cédé la place à la société complexe, avec des gains évidents en termes de bien-être et des pertes évidentes en termes de bien. Nous nous sommes débarrassés d'une certaine rigidité sacrale, mais l'ère séculière nous livre une société éclatée. Les codes affectifs, patiemment tissés au cours des millénaires de la civilisation classique et chrétienne, sont bouleversés, et l'on ne sait à qui faire appel pour tenter une recomposition tournée vers l'avenir sans oublier le passé.


L'idée d'un « lexique familial » aurait pu être valable jusqu'au milieu du 20e siècle, comme le décrit le roman éponyme de Ginzburg. Mais la conjoncture actuelle nous conseille l'objectif plus modeste de présenter un « alphabet familial ». Redécouvrir la grammaire des sexes, filer la syntaxe des affections, articuler le discours de l'amour.


A comme Amour


Le départ est indispensable. Par ordre alphabétique, mais surtout par ordre d'importance.

Quelle mauvaise fin pour l'amour ! Il serait le mot qui nomme l'identité ultime de Dieu et le désir le plus profond de l'homme. Mais sa réduction sentimentale et érotique l'a rendu exsangue. L'amour a perdu le pouvoir d'évoquer le nom de Dieu et de rappeler la vérité des affections humaines. Ils l'ont réduite à une variation des sens et des instincts. Elle n'oriente plus vers les grands idéaux, ni ne peut motiver les sacrifices de la vie. Elle ne joue plus sur le don et la fidélité, mais sur la quantité et le hasard des expériences. Et elle ne vise pas un engagement stable, mais un bien-être et un plaisir accru. Elle est dangereusement aspirée par la sphère des biens de consommation, mais tente entre-temps de plier même la sphère du droit à ses objectifs.


Les comptes, cependant, ne s'additionnent pas. Les projets d'« amour libre » réalisent un profond esclavage. Mais il est possible de ne pas s'en rendre compte immédiatement. Quelques exemples.


1. Même le jugement chrétien pourrait être induit en erreur en pensant que la faveur accordée au monde des émotions et à la sphère de l'érotisme fait le jeu des affections familiales, dans la mesure où elle complète leur concrétude spécifique. Mais outre le fait qu'il ne s'agit pas d'intégration, mais de substitution, il y a en réalité plus d'une raison de croire et de proclamer que c'est le don de soi et l'appartenance aux autres qui sauvent l'amour, ses joies, ses extases. Plus franchement, c'est le mariage qui sauve et réalise l'amour, ce n'est pas l'amour qui doit être sauvé par le mariage ! Comme le reconnaissait déjà Ricœur en 1966, le mariage est brillant parce qu'il « sauve la durée et l'intimité du lien sexuel, en le rendant humain ». Dans bien des cas, il produit l'effet inverse : il en détruit la durée et l'intimité. Cependant, malgré ces dangers, le mariage reste la meilleure occasion de tendresse ».


2. Cela donne aussi à réfléchir que, comme cela, désacralisé et sécularisé, l'amour est néanmoins déifié et fait l'objet d'un culte. Cet amour même, réduit à la forme adolescente du coup de foudre, soustrait à toute contrainte normative et rituelle, livré à la spontanéité de l'émotion et de l'excitation, devient l'objet d'une religion invisible et d'une dévotion absolue. Il est évident qu'un tel culte ne tient pas ses promesses : les experts s'inquiètent beaucoup du fait que l'augmentation des possibilités de plaisir s'accompagne d'une augmentation proportionnelle des « pulsions de mort ». Les anciens savaient déjà, bien avant Freud, qu'il existe un lien obscur entre la passion amoureuse (eros) et l'instinct de mort (thanatos), mais il est bien vrai que De Rougemont et Lewis ont dit dans leurs essais sur l'amour que « quand l'amour n'est plus Dieu, il devient un démon », et de même, « quand l'amour est élevé au rang de dieu, il se transforme en démon » ! Les chrétiens ne peuvent cesser de proclamer à tous le cœur et la synthèse du message chrétien : non pas « l'amour est Dieu », mais « Dieu est Amour » (1 Jn 4,8) !


Roberto Carelli SDB

(source: Roberto Carelli – Alphabet Familial)



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